’image des Landes dans leur ensemble est aujourd’hui indissociable des grands pins qui la couvrent pour constituer la plus grande forêt d’Europe. Si cette espèce est apparue dans nos contrées il y a environ 9000 ans, c’est seulement au cours du XIXe siècle qu’elle va faire l’objet d’une cuture spécifique.
Tout ce territoire dont Théophile Gautier le taxe de “Sahara français” en 1840 et que Jules Verne lui-même décrit encore en 1879 comme “une succession de vastes plaines, les unes absolument nues, les autres tapissées de bruyère et d’ajoncs”, est resté longtemps comme un péril à affronter par les pèlerins vers Saint Jacques de Compostelle. Un désert marécageux, putride et où rodent les loups… Après divers essais qui s’échelonnent tout au long du XVIIIe siècle qui visent d’abord à fixer les dunes côtières, une loi est finalement promulguée en 1857 dite “d’assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne”.
Elle impose à toutes les communes de boiser leur territoire. Là encore, ces directives vont se heurter à l’opposition des bergers qui voient se réduire leur
territoire de pacage. Mais la tendance est irréversible et, en l’espace d’un siècle la surface de la forêt va passer de 100000 à plus d'un million d'hectares.
Elle fait suite et applique les recommandations émises et expérimentées par l’ingénieur François Jules Hilaire Chambrelent (1817-1893)
qui proposait dès le début du XIXe siècle de défoncer la couche d’alios, d’établir un plan de drainage, de défrichement et d’ensemencement forestier. C’est ainsi que “l’arbre
d’or”, le pin maritime va coloniser nos territoires. Mais aussi le chêne liège et le chêne vert.
L’attribution de cette gloire à l’ingénieur Chambrelent par “l’histoire officielle” - toujours simplificatrice et réductrice - ne saurait
faire oublier qu’il ne fut que celui qui formalisa au bout du compte l’ensemble des travaux initiés depuis bien longtemps par de nombreuses personnalités landaises.
Depuis longtemps, les habitants des zone côtières savent planter les pins pour fixer l’avancée des dunes. Cela depuis qu’il s’est agi, par ce moyen d’éviter en 1518,
le comblement du lit de l’Adour entre Bayonne et Port d’Albret ( l’embouchure au niveau de Bayonne ne sera rétablie qu’en 1575 grâce aux travaux de Louis de Foix). Au milieu du
XVIIIe siècle l’Ingénieur des Ponts et Chaussées Nicolas Brémontier (°1738 - †1809) y trouvera déjà la gloire en les formalisant dans son “Mémoire sur les
dunes” (1796)
Les premiers essais issus de ces techniques appliqués aux terres marécageuses de l’intérieur existent pourtant bel et bien à ce moment-là. En 1766,
Guillaume et Louis Mathieu Desbiey, possesseurs de dunes, se penchent sur le problème et écrivent nombre de textes… qui inspireront fort à propos Brémontier
.
Dans le même temps, François Batbedat (°1745 - †1806), armateur et agriculteur, a réussi avec grand succès à acclimater des pins de
Riga qui prospèrent sur ses terres de Garrosse : “Le commerce de Bayonne se rappelle encore qu’en 1782, quatre tiges de pin de Riga qui avoient 70 à 75 pieds de longueur et deux
pieds d’équarrissage, furent vendus 11800 livres par M. François Batbedat.” Les semis à partir des graines produites vont se multiplier et 45 ans plus tard, nous pouvons découvrir ces
promesses : “Nos besoins pour la mâture sont bien connus, le Pignadar de Garosse prouvera que nous pouvons les satisfaire, et certes le terrain ne nous manquera pas pour multiplier les
produits, que nous pouvons acquérir en ce genre.”
Au moment où décède Batbedat, naît le neveu des frères Desbiey, Louis Étienne dit Numa Turpin (°1802 - †1873) qui mariera en 1848, sa fille Élisa à
Henri Crouzet (°1817 - †1880), ingénieur en chef des Ponts & Chaussées. Celui-ci devient quelques années plus tard, Chef du Service Hydraulique des Landes. Ce service est
chargé notamment des travaux de fixation des dunes, de l’irrigation, de redressement des courants, de l’assèchement des marais. Henri Crouzet va y forger une solide expérience et développer une
réflexion éclairée et créative. Cela va se traduire, au bout de nombreux travaux, par la rédaction d’un mémoire déterminant sur “La transformation des Landes de
Gascogne”. Ce texte capital, encore une fois va disparaître de façon très opportune. Avant que les grandes lignes n’en viennent enrichir les travaux de Chambrelent qui vont
impressionner le jury de l’Exposition universelle de 1855 et lui valoir la gloire, doublée de la Croix d’Officier de la Légion d’Honneur de Napoléon III.
À la même Exposition, Crouzet devra se contenter d’une médaille “pour services rendus à l’Exposition”.
Très rapidement résumée ici, chacun pourra retrouver dans la bibliographie présentée plus bas dans cette page, le détail de cette épopée de l'aménagement de la forêt landaise et se faire une idée précise à la lecture de l’ensemble des textes produits par beaucoup d’auteurs.
Certes, le Pays d’Orthe ne se situe qu’aux marches de la forêt “traditionnelle” landaise. La terre aride de la haute Lande vient ici s’amender
dans la plaine alluviale des Gaves et de l’Adour. Et la forêt s’enrichit d’une diversité attrayante.
Mais pour le voyageur qui se rend sur Dax ou cherche à rejoindre la côté Atlantique, passé les dernières habitations d’Orthevielle, le paysage
traditionnel de la forêt landaise lui saute aux yeux et va l’accompagner tout au long de sa route sur le territoire des communes de Bélus, St Lon, Pey, Orist, Siest.
La Forêt des Landes de Gascogne et le Pin maritime
Écoutons la description qu’en font quelques-uns de ces voyageurs dans les années 1950 :
“La forêt landaise paraît d’une désespérante monotonie. Devant les yeux défilent, au rythme d’un film sans intérêt, des pins, toujours des pins… Ici, jeunes
encore, ils semblent lutter avec peine pour dépasser les sous-bois ; plus loin, ils montrent leur flanc rayé d’une longue entaille au bas de laquelle est accroché un petit pot
[…]”
Cette forêt des “Landes de de Gascogne” occupe un large triangle inscrit entre la Garonne, l’Adour et l’Océan pour couvrir un espace d’environ
1.200.000 hectares représentant la moitié de la surface de la Gironde, les trois cinquièmes des Landes et le sixième du Lot et Garonne.
Il faut savoir qu’à l’exception de quelques massifs boisés déjà dans l’Antiquité, cette forêt - la plus étendue d’Europe aujourd’hui - est de création
relativement récente, du moins dans son ampleur.
Même si à certains endroits (surtout en pays d’Orthe) des chênes pédonculés et tauzins, ou quelques plantations de
chênes-liège ( en pays de Born ou en Marensin essentiellement) viennent se mêler au boisement, la forêt est presque en totalité constituée de pins maritimes.
Cet arbre existe depuis l’Antiquité sur la bordure océane et était cultivé par les Gaulois. Les invasions barbares vont ravager ce travail et les sables qui ne
rencontrent plus d’obstacle, vont s’amonceler et créer un large bassin de rétention des eaux. La région restera pendant plusieurs siècles, un vaste marécage quasi désertique et
malsain.
La loi du 18 juin 1859 prescrivant aux communes l’assainissement obligatoire des landes par le drainage et le reboisement vient couronner les
efforts de Brémontier et Chambrelent.
LES BOIS OUVRÉS
Jusqu'au milieu du XXe siècle, les bois de sciage sont en grande partie débités dans la forêt même par une nombre aussi important de scieries mobiles que de scieries fixes. Elles transforment le bois en planches et en traveses de chemin de fer.
Des usines sont à ce moment-là spécialisées dans la fabrication des parquets, lambris, des moulures pour installations électriques et des caisses d'emballage.
Une fabrication d'agglomérés de bois ( fibres et ciment ) donnent des produits légers de revêtement et d'isolation dans le bâtiment.
Le BOIS et la CELLULOSE
Servante à tout faire : lou "SISTOU"
Fait de lames de châtaignier tressées sur une armature de coudrier, le "Sistou", cette corbeille circulaire à fond carré, doit sa fabrication aux essences de la forêt d'Orthe.
Fruit d'une technique éprouvée et d'un savoir-faire traditionnel, cette corbeille accompagne pratiquement tous les travaux de la ferme landaise. Raisin, maïs, trèfle, betteraves ou foin ; rien ne rebute le Sistou !
Les récipients de matières plastiques vont signer son arrêt de mort dans la deuxième moitié du XXe siècle. Et c'est bien regrettable !
Sous les Pavés, la Forêt…
Sur cette photo issue d'une publication de l'immédiat Après Guerre (1945) on peut découvrir une utilisation très particulière du bois de pin. Plutôt conséquence d'une période de fortes restrictions que prémisses avant l'heure de développement durable, les rondins de pin servent à… paver les routes !
Une pratique qui, à notre connaissance, a fait long feu.
L'arbre d'Or
Au-delà du rôle d’assainissement de cet espace, le pin maritime va très vite représenter une composante économique non négligeable. Le pin est
cultivé méthodiquement pour la production de bois d’une part, et pour la résine qu’il donne tout au lon de sa vie d’autre part.
D’une durée de vie maximale de 70 ans, les différentes phases de sylviculture vont générer un apport en bois. Et, de façon constante, les opérations de
gemmage vont permettre la récolte de la résine et la production des produits qui en sont dérivés.
Le pin exige beaucoup de lumière pour se développer. Il est donc nécessaire cinq ans après le semis, d’éclaircir la futaie épaisse qui en est issue. Les arbres les plus mal venus sont abattus et les branches basses éliminées de ceux qui sont conservés. L’opération est renouvelée environ tous les quatre ans environ, libérant l’espace entre les plus beaux arbres qui grandissent. Au cours de ces vingt premières années, le bois abattu n’a pas de réelle valeur marchande. En dehors de la fabrication de quelques piquets, il fait surtout le bonheur, jusqu’au milieu du XXe siècle, des boulangers ou des résiniers eux-mêmes qui l’utilisent en bois de chauffage.
Au Monument aux Morts de Labenne,
l'hommage au gemmeur - Photo MH CINGAL - 2011
À partir de la vingtième année, la quantité de bois obtenue lors des éclaircissages est plus conséquente. Ils donnent alors la matière première à la
fabrication de la pâte à papier et surtout, au long du XIXe et début du XXe siècle, les poteaux de soutènement des galeries de mine. Pendant longtemps, le
port de Bayonne réceptionnera ces poteaux pour l’exportation surtout vers la Grande Bretagne.
Au bout de trente à quarante ans, il ne reste dans la forêt que les plus beaux arbres qui vont continuer à se développer avant la coupe définitive. Ces arbres de
grande dimension, les “pins de place”, au tronc droit pouvant atteindre 30 mètres de haut et qui dépassent à ce stade, plus d’un mètre de circonférence à hauteur d’homme, se
comptent à environ 200 pieds à l’hectare.
C’est à ce stade que va commencer l’extraction de la résine que le pin maritime produit en grande quantité. Le gemmeur pratique avec le hapchot , une saignée large d’une dizaine de centimètres - la “carre” - sur le tronc, enlevant l’écorce et une fine couche de l’aubier et au bas de laquelle il enfonce un morceau de zinc incurvé, le “crampon”, chargé de canaliser la résine vers un pot de terre placé directement au-dessous, supporté lui-même par une pointe. C’est le procédé Hughes du nom de l’inventeur du pot à résine.
L’ensemble des opérations de gemmage va se dérouler de février ( climat océanique doux oblige ) à octobre.
Toutes les semaines, le gemmeur remonte la carre de de quelques centimètres. C’est le “piquage”. Au bout d’une année, chaque carre
s’agrandit de 60 cm. La résine sourd sur les carres et s’écoule dans les pots qui sont vidés à peu près tous les mois dans un récipient rectangulaire en bois, la
“quarte” . La quarte ( ou couarte ) vient elle-même se déverser dans dans des barriques de bois d’une contenance de 340 litres. C’est “l’amasse”.
Il est à remarquer la forte participation des femmes à ce travail harassant de fourmi laborieuse. De nombreuses images du début du XXe siècle en
témoignent.
Chaque carre produit une moyenne annuelle d’un peu plus d’un litre de résine par an. Dans les années 1950 on estime que la forêt landaise produisait 200 000
barriques, soit 120 000 tonnes de résine par an.
Au bout de vingt cinq ans de production de résine au travers des carres qui se sont multipliées sur le pourtour de son tronc, le pin est dit “gemmé à
mort”. Vient le temps de l’abattre afin de laisser la place à de nouveaux semis.
« L’on mettait la pigne fermée droite dans le sable pour la faire éclore.
Il fallait la tourner suivant le soleil.
Une fois ouverte, nous mettions les pignes dans des sacs afin de ne pas perdre de semences puis on les secouait sur des toiles et plus tard sur des aires en ciment dans un battoir.
Le battoir était actionné dans un sens de va et vient par deux personnes.
Ensuite nous enlevions les ailerons de la graine et celle-ci était vendue
au kg par les Eaux et Forêts ».
La RÉSINE
Il est vraisemblable que bien avant l‘ère chrétienne, les marchands phéniciens venaient déjà s’approvisionner dans la région landaise, en
poix et en résine. Et si l’on en croit Dioscoride, les Romains retiraient aussi la poix et la résine liquide de la forêt.
Au seuil du Moyen-Âge, les forestiers du Sud Ouest exploitent le pin et font commerce de “poix, rouzine [rosen], bray, tourmentine et
encens”. Ils savent recueillir et cuire la résine même s’ils ignorent encore la distillation de la gemme.
En 1660, Colbert afin d’obtenir une autonomie dans le domaine, fait appel à des suédois qui viennent former les habitants du Sud Ouest à la
fabrication du goudron qui sert au calfatage des navires. Fabrication qui va contribuer à développer la culture du pin, le goudron et le brai devenant produits destinés à
l’exportation.
Un stère de bois donne environ 40 litres de goudron et la région aquitaine va compter à cette époque 185 ateliers et fours pour cette
production.
Les JOYEUX RÉSINIERS
« […] À Bélus avant les années 50-60, le massif était alors en grande partie peuplé de pins en âge d'être gemmés, exploités par des résiniers venant souvent de
Josse et St-Geours de Maremne ; en général de jeunes et gais lurons, durs à la peine, mais aussi disposés à faire la fête. Ils disposaient dans chaque village d'un relais leur fournissant la
soupe et le vin.
Ils n'hésitaient pas à changer sommairement de costume : une paire de sandales neuves et un bleu de travail propre pour aller danser le midi aux fêtes d'été : St-Lon, St-Étienne, Bélus… quitte à rattraper ensuite le temps perdu. La bonne odeur de résine leur collant à la peau suffisait à attirer leurs cavalières qui refusaient rarement de danser avec ces gens particulièrement agiles … et entreprenants.
Je me souviens encore des joyeux cris de ralliement que ces travailleurs poussaient, se répondant de parcelle en parcelle : une espèce de tyrolienne à la landaise ! »
Une petite anecdote m'a été racontée il y a bien longtemps : deux de ces joyeux lurons avaient fait le pari d'assister à un repas de mariage, sans être invités. Ils se sont donc présentés, légèrement en retard, les convives étant déjà installés. Profitant de quelques absents car il n'y avait pas alors de places réservées, ils avaient passé pour être dans la parenté, soit de l'épouse pour les uns, soit de l'époux pour les autres ; ils purent ainsi gagner leur pari et filer à l'anglaise sitôt le repas terminé.”
Témoignages Henri LAHET
RELANCER LE GEMMAGE EN FRANCE
Après un déclin rapide dans les années 1970, les techniques de gemmage ont fini par être abandonnées vers 1990 au profit des transformations des produits de la pétrochimie. La forêt landaise n'a plus eu de finalité autre que d'alimenter les besoins des usines de pâte à papier et l'exploitation du bois d'œuvre.
Un résinier, Claude COURAU, se bat en ce début de XXIe siècle pour démontrer que la résine, produit on ne peut plus "renouvelable". Il est l'inventeur d'une technique nouvelle "en vase clos" qui permet une collecte rationnelle et facilitée de la résine.
La flambée et la raréfaction des produits fossiles vont-elle faire qu'enfin, le cri qu'il lance du plus profond de la forêt landaise, soit entendu ?
Vous pouvez retrouver cette présentation et son argumentaire sur son site :
Dans la poche qui étanche
la pique circulaire,
récolte propre de la résine.
Claude COURAU
Ancien gemmeur, retrouve ici
l'outil (le hapchot) et le geste traditionnels
pour ouvrir la "carre" sur le tronc du pin.
Claude COURAU est aussi l'auteur de quatre ouvrages fort intéressants sur son métier de gemmeur :
- "Le gemmage en forêt de Gascogne" Éd.Pyrémonde-Princi Nègue - 1995
- "La relance du gemmage en forêt de Gascogne" Même éditeur - 1997
- "Le gemmage en forêt Provençale" Même éditeur - 2002.
- "Histoire du Gemmage des Résineux dans le Monde"
"Entaillons l'écorce d'un pin et mettons le bois à nu. Aussitôt perlent les gouttelettes brillantes d'un liquide poisseux, odorant, insoluble dans l'eau qui vient recouvrir la plaie : la résine.
Le gemmage en France, mais également en Europe, aux États Unis et dans le reste du Monde était autrefois réalisé de deux façons :
- Le procédé français, utilisé aussi en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Inde et en Indonésie ;
- Le procédé en Sillons, utilisé notamment aux États-Unis, en Allemagne, en Pologne, au Mexique."
L'ESSENCE DE TÉRÉBENTHINE
La distillation de la gemme commence au XVIIe siècle afin d’obtenir l’huile ou l’essence de térébenthine, bien que celle-ci ne soit
pas encore considérée comme ayant une grande valeur. Elle est essentiellement mise en bouteilles pour des usages domestiques. Elle sert à nettoyer les meubles et, mélangée à de la graisse de
blaireau, elle est considérée comme “pouvant guérir” les rhumatismes et les douleurs.
La production de l’essence de térébenthine va connaître un véritable essor au début du XIXe siècle. Elle sert alors utilisée dans la fabrication des
vernis et elle est expédiée vers les ports de Bayonne et Bordeaux pour être ensuite exportée vers divers pays ( Espagne, Angleterre, Hollande, Allemagne…)
Elle est obtenue à l’issue de quelques opérations de traitement de la gemme.
La résine est d’abord ramollie dans un liquéfacteur à l’aide de vapeur d’eau. Brassée, on lui ajoute du sel marin qui va permettre de
précipiter les impuretés ( débris végétaux, sables…), les entraînant au fond du récipient. On lui adjoint aussi du bisulfite qui par ses qualités clarifiantes, va permettre
d’obtenir la colophane résiduelle plus pâle.
La distillation s’effectue dans un grand alambic que l’on chauffait autrefois directement au bois et dans lequel on fait s’écouler un filet d’eau
sur la résine chauffée. Celle-ci se vaporise en entraînant l'essence de térébenthine. Après un parcours dans un serpentin qui en assure le refroidissement et la condensation, les
deux composantes sont séparées par différence de densité dans un “récipient florentin”.
C’est cette essence qui donne son parfum particulier à la forêt landaise. Mais aussi, en se vaporisant dans la chaleur de l’été, elle rend la forêt particulièrement sensible au risque d’incendie. En août 1949, ce sont 50 000 hectares de forêt qui partent en fumée, faisant 82 victimes prise au piège du feu. Cette catastrophe va permettre la réflexion et la mise en place des grands aménagements de lutte contre l’incendie ( miradors de veille et couloirs coupe-feu ) faisant de la forêt landaise un exemple dans ce domaine.
Les usages
de l’essence de térébenthine
Le principal débouché de l’essence se situe dans l’industrie des vernis, peintures, cirages,
encaustiques et produits à polir. Elle sert de solvant par ses capacités à dissoudre les goudrons, les gommes et les cires, permettant de les faire entrer plus profondément dans
les bois ou les cuirs.
Dans le domaine pharmaceutique, l’essence de térébenthine à l’état naturel, est employée en frictions contre les douleurs.
Cette essence est aussi créditée de nombreuses vertus médicinales dans la lutte contre les affections pulmonaires. Vertus qui auront entraîné lors
des grandes campagnes nationales de lutte contre la tuberculose de la première moitié du XXe siècle, la mise en place dans nos régions de multiples institutions
de soins, sanatoriums, maisons de cures d’air…
Ces vertus sont complétées dans le domaine chimique par celles apportées par les composants de l’essence de térébenthine : le camphre qui servit longtemps à la fabrication des celluloïds détrônés par le raz de marée des matières plastiques ; la terpine utilisée dans la fabrication de certains médicaments employés dans les maladies des bronches et les plaies par brûlure ; enfin, le terpinéol, produit incolore à l’odeur de lilas, utilisé dans la parfumerie et la savonnerie.
Enfin, si vous êtes pêcheur et pour suivre les conseils du “pape de la pêche” Michel Duborgel : quelques gouttes de térébenthine et des coquilles d’huîtres pulvérisées ajoutées à votre amorce, vont faire pétiller et miroiter vos boules (d’amorce) lorsqu’elles se désagrègent au fond de l’eau, attirant le fretin.
La COLOPHANE
Après la distillation il reste dans l’alambic l’autre composante de la résine : la colophane. Après avoir été tamisée, elle est mise à sécher en air ambiant dans de larges plateaux de zinc. Elle subit alors pendant trois à quatre semaines l’action décolorante du soleil. Les galettes ainsi obtenues sont mises en tonneaux.
La colophane est alors un produit vitreux, transparent, cassant comme du sucre d’orge, dont la coloration varie du jaune très pâle quand elle est issue de la
première amasse, jusqu’au jaune virant au brun à la cinquième amasse.
Selon la qualité, ces différentes colophanes servent à la fabrication des vernis, des poix, des huiles de résine et le noir de fumée. On prépare à
partir de la colophane un colle qui, incorporée à la pâte à papier au cours de sa fabrication, va donner au produit obtenu un degré d’imperméabilité qui le distingue du buvard brut.
Applications méconnues
Seuls ceux qui auront mâché la gomme des pêchers pourront facilement comprendre que la colophane entre dans la fabrication… des chewing-gum.
Le profane ne se doute pas que sans l'apport de la colophane qui vient enduire les crins de l'archet de tous les instruments de musique à cordes frottées, le plus magnifique des violons et le plus sensible des violoncelles ne rendraient qu'un très pauvre son. Les vertus "collantes" de la colophane permettent à ces crins "d'accrocher" sur les cordes et de les faire résonner.
Le visiteur pourra retrouver sur le site consacré aux violons PALOMA VALEVA, une étude plus technique sur l'utilisation de la colophane dans le domaine de la musique.
Merci à Vanessa pour son intérêt…
Cliquer sur l'image ci-contre pour retrouver cette page.
À l'autre extrême, quel musicien conservant précieusement le bijou de petit pot de colophane qui donne une âme à son instrument, pourrait se douter que le même produit sert - de façon bien moins parcimonieuse - pour la toilette du porc gras après qu'il ait été saigné ? La colophane et l'eau bouillante vont permettre un rasage "au plus près" de la couenne de l'animal.
Certes, le pays d'Orthe n'appartient pas directement à la lande traditionnelle au nord de l'Adour. Pourtant, nous ne pouvons rester insensibles à "l'appel de la
forêt", bercés que nous fûmes par les chantres de la forêt landaise :
- Félix Arnaudin, l'incontournable et infatigable narrateur de la lande en mutation au XIXème siècle
- Mais aussi l'occitan Bernard Manciet (°1923 - †2005) qui laisse une œuvre très diverses (plus de 100 titres) en français et en gascon et qui, lui
aussi, déborda largement de son Triangle des Landes (titre d'un ouvrage paru chez Arthaud en 1981) lorsqu'il écrivit Le Golfe de Gascogne (Arthaud, 1987)
où il raconte les ravages de l'épizootie bovine de 1775-76, véhiculée par la transhumance des troupeaux des Pyrénées aux portes de Bordeaux, un épisode douloureux que nous retrouvons dans la
mémoire locale à travers les registres municipaux de l'époque.
- Enfin, Pierre Leshauris qui nous fit découvrir la vie d'une famille de métayers landais dans la région montoise entre 1870 et 1916 avec la
tragédie de la Grande Guerre.
D'autres ont également laissé leur témoignage, leur vision de la forêt.
Vous pourrez retrouver de plus amples éléments sur la forêt des Landes de Gascogne dans de nombreux ouvrages très détaillés et très documentés dont nous portons ci-après une liste non exhaustive.
-
Jean-Baptiste LESCARRET, "Le dernier pasteur des Landes", réédité aux éditions Cairn,
1998
Jacques SARGOS, "Histoire de la forêt landaise, du désert à l'âge d'or", édité à l'Horizon Chimérique, 1998.
SAINT AMANS, "Voyage dans les Landes 1810", réédité (avec une préface de Jacques Sargos), à l'Horizon Chimérique, 1988
Edmond ABOUT, "Maître Pierre", réédité Éd. Les Introuvables, 1997
Francis DUPUY, "Le pin de la discorde, les rapports de métayage dans la Grande lande", Éd. Maison des Sciences de L'homme, 1996. - Jacques GRASSET ST SAUVEUR, "Les Landes de Bordeaux, moeurs et usages de leurs habitants (an VI)". Réédition de 1988 Éd. Ultreïa, préface de Guy Latry.
- Joseph LAVALLÉE, "Voyage dans le département des Landes (an VI)". Réédition de 1988 Éd. Ultreïa, préface de Guy Latry.
- Jacques SARGOS, "Voyage au coeur des Landes", 1984
- Claude TAILLENTOU, "Le gemmage du pin maritime dans les Landes", Ass. Mémoire en Marensin, Reédition 2004.
- Jean Jacques TAILLENTOU, "Le devenir des Landes pastorales en 1855 d'après un rapport d'Henri Crouzet", Bull. Sté de Borda, 2000
À l'occasion du Centenaire de la Loi du 19 Juin 1857, la Société de Borda a consacré une parution complète sur le sujet, dans laquelle ont été publiés les articles suivants :
- Fernand THOUVIGNON, "L'assainissement et le plantation en pins des Landes de Gascogne"
- R. SARGOS , "Chronologie des évènements ayant trait à la préparation et à l'application de la Loi".
- P. A. CLAVERIE, "Les Landes de Gascogne Autrefois. L'ère agro-sylvo-pastorale"
- J. de LOBIT, "Un précurseur de Chambrelent".
- René CUZACQ, "Les Landes, Edmond About et Chambrelent au temps de Maître Pierre".
- Élie MENAUT, "Autour de la Loi, Pionniers et Résistants".
-
André CASTETS, "Sur divers projets de canalisation dans les
Landes et l'action de Napoléon III à Capbreton et dans nos régions"?
Charles DUFFART
Le flot qui monte -
La première révolte des gemmeurs (1906-1907)
Entre juin et août 1910, Charles Duffart fait paraître sous forme de feuilleton dans “l’Humanité” , un roman social qui évoque la naissance du syndicalisme dans le
milieu des résiniers landais, dans le Marensin et le pays de Born, et retrace leur
première grande grève, en 1906 et 1907, “Le Flot qui monte”.
Devenu introuvable et presque oublié, ce roman est aujourd’hui réédité et disponible pour 18 Euros auprès de :
Éditions d’Albret, H. Delpont,
4, Rue Mandrina 40180 NARROSSE
On pourra aussi trouver dans les très intéressantes pages du site internet de Jérôme BOULART, apparenté aussi à cette descendance des Desbiey, Turpin, Crouzet et autres Ducoussou, un point de vues et une étude approfondie de tous ces éléments et une analyse "de l'intérieur" des différents épisodes de l'aménagement de la forêt landaise.
Retrouvez ces pages en cliquant sur l'image.
Et n'oublions pas ce beau roman de Roger Boussinot paru dans les années 70 : Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes.
En lisière de forêt, la ruche primitive
endant des siècles - du moins pour ce que l’on en connaît avec certitude - la ruche qui permet de maintenir l’abeille qui fabrique le miel apprécié, n’est qu’une adaptation simple de la nature : un tronc d’arbre évidé dans lequel la colonie va s’affairer . Au sortir des grandes glaciations et bien avant que ne soient entrepris les travaux qui vont assainir les barthes, la douceur climatique et l’environnement du pays d’Orthe en font un lieu ou se multiplient les plantes mellifères.
L’abeille trouve là autant de raisons de… faire son miel de cette profusion. Nectars, pollens et mêmes les fruits plus avant dans la saison, sont largement offerts par les genêts, les bruyères, les acacias dans le bois aussi bien que les souchets, les orchis et les sauges des clairières ou des berges de la rivière.
Tableau représentant l'installation
de ruches de type primitif constituées
d'un tronc creusé et, dessous, une ruche
de simple paille tressée
L’Orthense trouve dans cette production un complément apprécié et un objectif de cueillette. Puis, quand il se sédentarise, il apprend peu à peu à entretenir et
faire fructifier ce capital sauvage. C’est la naissance de l’apiculture : une technique antique pour apprivoiser les abeilles et récolter le miel.
Il va prendre conscience aussi de l’importance du rôle de l’abeille dans la perpétuation du milieu naturel. Cette importance est plus que jamais relevée dans la
seconde moitié du XXe siècle lors de la plantation du verger de kiwis dont les plants différenciés mâle et femelle sont largement tributaires de l’abeille pour leur fructification.
“Ce va-et-vient ne sera pas inutile puisque les abeilles “butineuses” vont récolter, sur les fleurs, le pollen nécessaire à l’alimentation de la ruche, dans un rayon possible de 5 km autour de celle-ci. Mais l’opération n’est valablement réalisée que dans un rayon de 2,5 km car, au-delà, l’abeille a besoin de reprendre des forces, et donc, de consommer une partie de son “butin”. On considère que l’aire de butinage totale, quadrillée par une ruche, est de plus de 3000 hectares, dans les conditions les plus favorables (2000 hectares dans des conditions moyennes et habituelles).
Bien sûr, de mauvaises conditions climatiques vont rétrécir cette aire, les abeilles s’aventurant alors moins loin. Sensibles à la température, l’abeille ne met pas le nez dehors à moins de 12°C alors que le bourdon se risque à 8°C seulement. Elles vont se partager le travail à l’intérieur de cette aire en “couloirs aériens” que chacune va suivre scrupuleusement et sans dévier de sa trajectoire : on a observé qu’une abeille effectue ses prélèvements de pollen sur une ligne droite, sans s’en écarter, va déposer sa récolte à la ruche et revient sur son lieu de travail reprendre la place exacte qu’elle avait quittée un peu plus tôt.
Elles vont effectuer ce travail, sans discontinuer de dix à quatorze ou quinze heures d’affilée, tous les jours. Selon la conduite de la ruche, la récolte de pollen varie entre 300 gr et 1500 gr par semaine. Ce pollen, riche de 23 % de protéine, est absorbé, pour une petite partie, par les abeilles elles-mêmes mais, la majeure partie forme la nourriture des larves en pleine croissance. Par contre, les haies de proximité, comportant des plantes productrices de nectar et fleurissant à la même période sont indispensables pour maintenir un équilibre favorable au travail des butineuses, notamment le faux-robinier ou acacia qui, lui, donne un miel très apprécié, de même que la bruyère. Faut-il le préciser, l’intérêt que les hommes portent aux abeilles est d’abord basé sur la production de miel (une manne céleste, affirma-t’on d’abord) avant la pollinisation des cultures qui ne fut longtemps que le corollaire de l’obtention de miel aux vertus multiples, gustatives et diététiques mais aussi médicales, employé dans des collyres dès l’Antiquité, mais aussi comme antiseptique et cicatrisant.
Pendant des siècles, voire davantage, la ruche, à l’origine un tronc d’arbre évidé, puis en osier ou terre cuite, fut un élément familier du paysage agricole, présente, certes, en petit nombre, sur les exploitations, procurant les quelques “livres” de miel nécessaires à l’alimentation de la famille et dont le surplus était facilement écoulé. C’était d’autant plus vrai lorsqu’on se trouvait en lisière de forêt où les abeilles trouvaient facilement de quoi élaborer le miel nécessaire à leur alimentation.
Pendant des siècles, voire davantage, la ruche, à l’origine un tronc d’arbre évidé, puis en osier ou terre cuite, fut un élément familier du paysage agricole, présente, certes, en petit nombre, sur les exploitations, procurant les quelques “livres” de miel nécessaires à l’alimentation de la famille et dont le surplus était facilement écoulé. C’était d’autant plus vrai lorsqu’on se trouvait en lisière de forêt où les abeilles trouvaient facilement de quoi élaborer le miel nécessaire à leur alimentation.
Sur l'armature en osier tressé, un mélange d'alios et de bouse de vache est enduit et séché, conférant à la ruche étanchéité et isolation.
Ici, une base tressée à Hastingues
par J. Darrière, vannier.
Début XVIIIe siècle, la lande produit du miel (400 tonnes sont exportées chaque année par Bordeaux). Lamoignon de Courson, intendant de la généralité de Bordeaux, cite des paysans « autrefois pauvres et qui se sont mis à l’aise grâce à leurs mouches à miel ».
En août 1926, on peut lire dans l’Agriculteur Landais : « Le temps n’est pas encore très éloigné où, à la campagne, chaque maison avait son petit rucher et en tirait profit ; le grand-père affaibli par l’âge vivait au milieu de ses "mouches" et il les aimait tant qu’à sa mort, elles portaient son deuil. Il n’est pas rare de rencontrer des ruches portant le ruban noir de nos jours encore, cette coutume respectueuse et touchante existe … », ce qui est confirmé par des témoins de cette époque. Cette même année, le 24 juin, le Dr. Phillips, un spécialiste américain de l’apiculture moderne, du collège d’agriculture de l’état de New-York – Ithaca ; section d’entomologie – apiculture, est invité par l’Abeille Landaise dans le Sud-Ouest. Le syndicat, représenté par MM. Baldensperger, Y. Michaud, M. Granel va à Orthevielle, dans le sud du département des Landes où il arrive dans la soirée et « à minuit, il visite un rucher pour y étudier un cas de maladie jusqu’ici inconnue ». Il poursuivra son voyage jusque dans la Haute-Lande où, au pays de « l’arbre d’or » qu’est le pin, se concentre l’élevage des abeilles.
En cette fin de XXe siècle, on recense 9 à 10.000 ruches dans les Landes, réparties chez environ 400 possesseurs qui peuvent en avoir aussi bien une que plusieurs centaines, ce qui donne des degrés différents dans la spécialisation, car il y a encore beaucoup d’apiculteurs amateurs qui ont une autre profession dans la vie. La situation est à peu près identique dans les Pyrénées-Atlantiques.
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