Les Gaves, Barthes & Saligues
vec une très ancienne mise en culture et une tradition d'aménagement, nous avons découvert les spécificités de la barthe de l'Adour. La bordure des gaves, quant à elle, comprend une bande de terre, le plus souvent en friche ou en pâture, qui varie de l'état de "Saligue" en amont jusqu'à sa transformation en barthe en aval. Depuis 1982 et la mise en place par l'Inventaire national du Patrimoine naturel, ont été créées les Zones naturelles d'Intérêt Écologique Faunistique et Floristique ( ZNIEFF ). Les barthes de Port de Lanne et d'Orthevielle y ont été inscrites avec une Zone de grand intérêt pour la préservation des oiseaux sauvages sur les territoires de Port de Lanne et St Étienne.
Les Oiseaux de la Barthe
En effet, ce sont ici 143 espèces différentes d'oiseaux qui s'y retrouvent, dont 40 sédentaires et 36 espèces nicheuses, les autres étant migratrices hivernantes. Parmi les espèces rares représentées ici, on trouve en premier lieu la cigogne blanche, puis le héron bihoreau, l'aigle botte, le faucon hobereau, le busard Saint Martin, le pluvier doré, le râle des genêts, la pie grièche écorcheur (sources: Schéma d'organisation des barthes de l'Adour, 1991).
On y trouve encore lors des migrations, la grue cendrée, le colvert, la sarcelle, la bécassine des marais, le vanneau huppé, toutes sortes de passereaux en plus du martin-pêcheur, de la poule d'eau et du grand cormoran si décrié.
Bien sûr, on y rencontre aussi toutes sortes d'oiseaux non spécifiques.
Ci-dessus, 1 & 2 Grue cendrée - 3 Pluvier doré - 4 Busard St Martin -
5 Sarcelle d'hiver - 6 Martin-pêcheur.
Montages à partir de photos et avec l'aimable autorisation de Didier Collin
Ci-dessous, 7 Canards Colverts - 8 Cigogne Blanche - 9 Cormoran -
10 Héron Bihoreau - 11 Bécassine des marais - 12 Vanneau Huppé -
13 Pie Grièche Écorcheur.
À Sang froid et à Sang chaud
Ce milieu humide est aussi peuplé de vertébrés comme nombre d'amphibiens, et de mammifères carnivores, dont certaines espèces rares ou menacées, comme le putois, la genette, la loutre et le vison. On y trouve, bien sûr, des batraciens et diverses sortes de couleuvres.
Mais tous les canaux, marécages et autres esteys sont peuplés d'une faune aquatique qui trouve là un milieu propice et relativement abrité. Domaine des anguilles, surtout qui ont fait l'objet ici d'une pêche ( trop ? ) soutenue.
Enfin, le terme "barthe" regroupe des situations très différentes. On pense toujours, au premier abord, aux barthes de l'Adour, mais on rencontre aussi des barthes le long des ruisseaux, comme à Cagnotte ou sur les coteaux de Œyregave.
La zone inondable des gaves Réunis est aujourd'hui inscrite aussi dans la ZNIEFF du cours inférieur du gave de pau. En 1989, on notait le commentaire suivant pour la caractériser :
"faune vertébrée exceptionnelle avec en particulier, la présence d'espèces rares et en voie de régression en France. Sur le plan ornithologique, les secteurs des saligues constituent des zones humides majeures du niveau de l'Aquitaine et du Bassin Adour-Garonne avec 55 espèces nicheuses dont une colonie d'aigrettes garzettes ( localement dénommées "Ignantes" ) et de hérons bihoreaux, respectivement au neuvième et dixième rang par leur importance numérique en France. Quarante espèces hivernent ici et 78 y stationnent durant leur migration. On remarquera en particulier l'hivernage du balbuzard pêcheur, fait rarissime en France continentale. Sur le plan mammologie, on notera aussi la présence du vison."
Les Gaves sont des cours d'eau à saumons, classés ici en deuxième catégorie. Nous sommes dans la "zone à brèmes" avec la plupart des espèces propres aux eaux calmes ( ablette, gardon, brème, tanche, carpe, barbeau ) et des carnassiers ( brochets, perches, sandres ). Les rivières et l'ensemble du réseau hydrologique des barthes est aussi le lieu privilégié des frayères des gardons, et des brochets, mais aussi des espèces marines que sont les lamproies.
À noter que l'ensemble du bassin de l'Adour est en passe d'être colonisé, comme la plupart des grands fleuves français par le silure glane.
Enfin, depuis la fin du XIXe siècle, l'introduction du poisson chat, capable de s'adapter à des conditions extrêmes de sécheresse ou de
turbidité des eaux, qui trouve dans les eaux calmes des "épis" et des zone humides calmes de la barthe, un milieu particulièrement adapté, a contribué
fortement à un déséquilibre de la faune halieutique.
La Ripisylve
La fin de la tire des bateaux a provoqué la re-végétalisation des berges des Gaves et de l'Adour. Jusque-là et peut-être depuis
l'Antiquité, la législation
( arrêts royaux, ordonnances puis arrêtés préfectoraux ) imposait, sous forme de servitude publique, une obligation d'entretien aux propriétaires riverains pour faciliter le passage de
la cordelle.
Cette nouvelle situation ouvre aujourd'hui l'espoir de sauvegarder les bordures, minées par le flot. S'en trouve aussi aidée, la lutte contre la pollution de l'eau par les nitrates en retenant une partie des engrais et autres produits pesticides, fongicides et désherbants employés en agriculture et, principalement, la maïsculture. Cet écran dense offre ainsi des abris, tant à la faune aquatique qu'aux insectes, oiseaux et petits mammifères.
Cet écran végétal est ainsi composé d'arbres autochtones tels que "Vergnes" (aulnes), frênes, noyers, osiers rouges, chênes pubescents, saules blancs et noisetiers, mais aussi érables negundo, peupliers, platanes et acacias sur les tronçons de berges où la composition du sol est favorable.
On y trouve aussi des arbustes de taille moyenne tels que sureaux "yèbles" et lilas d'Espagne ainsi que quelques lianes, de la guimauve et aussi de nombreuses ronces arbustives qui offrent leurs fruits acides durant l'été.
En avant de cet écran existe une bande située dans une zone sensible au phénomène des marées, dans la vase ou au milieu des galets où se développe un couvert végétal
ras composé de souchets, de joncs agglomérés ou étalés, de séneçon aquatique, d'angélique aquatique, de roseaux
phragmites, de menthe aquatique, de lycope, de potamots, toutes plantes résistantes au flux et au reflux de l'eau.
Toujours sur cette zone, on pourra trouver la balsamine géante, l'hibiscus des marais, l'euphorbe "plante à verrues", la
bardane,
le gouet d'Italie, le crepis mou, l'épiaire, la centaurée jacée, l'angélique sauvage, la massette,
la cardère sauvage, le bouton d'or, l'iris des marais, la vergerette du Canada, les
séneçons commun et vivace, l'aigremoine, le millepertuis, la véronique petit chêne, la reine des prés…
Et aussi, dans les zones inondables, la morelle noire, la grande ortie, l'épilobe, la fétuque et le vulpin des
prés, le chiendent pied-de-poule,
la renouée persicaire, le pissenlit dent de lion, le plantain bâtard, la bourse à pasteur.
Bien évidemment, bien d'autres plantes non spécifiques aux milieux humides y vivent aussi. De même que dans la liste des plantes des zones humides, certaines se rencontrent aussi ailleurs. La
différence de milieu n'est pas vraiment un barrage infranchissable pour la grande majorité des plantes. On relèvera seulement que l'acacia ne s'aventure pas dans certaines zones
de la partie alluviale du Gave et que les anémones de vigne , en voie de disparition, n'ont jamais descendu le coteau sur lequel, en revanche on ne trouve nulle trace de
l'hibiscus des marais.
L'Hibiscus des Marais ou Ketmie
L'Hibiscus Moescheutos Linné, est une vivace ligneuse de la famille des Malvaceæ, originaire du sud de l'Amérique du Nord où elle pousse au bord des marais et le long des cours d'eau du Massachussets, du Michigan et de Floride.
Signalée pour la première fois dans le Sud-Ouest de la France vers 1700-1730, des navires venant d'Amérique du Nord auraient transporté des graines sur la coque et sur le pont, jusqu'à Bayonne. Tombées à l'eau, ces graines emportées au gré des marées auraient germé sur les rives de l'Adour qu'elle ont progressivement colonisées. Et il est vrai que l'on rencontre de nos jours cette plante seulement dans la partie de berges où se fait sentir l'influence des marées. Pour l'Adour, cette limite se situe aux environs de Rivière-Tercis les Bains.
À partir de ce bassin de dissémination, cette plante rare et protégée au niveau national, à essaimé quelque peu en Aquitaine et on peut ainsi en retrouver jusque sur les bords du courant d'Huchet (Léon) plus au nord. On la rencontre également de façon endémique à Vieux-Boucau et Soorts Hossegor.
C'est le médecin botaniste dacquois Jean Thore qui en pose la première description scientifique en 1803. Croyant avoir affaire à une espèce nouvelle, il la baptisera improprement Hisbiscus Rosa-sinensis.
Les magnifiques fleurs constituées de cinq pétales, s'épanouissent de juillet à octobre sur une plante majestueuse pouvant atteindre trois mètres de haut avec de grandes feuilles ovales et lancéolées et sont ici connues sous le nom de ketmie.
On prête à cette plante, tant pour ses feuilles que pour ses fleurs, de nombreuses propriétés : antiseptique, diurétique, émollient, purgatif… et bien sûr,
aphrodisiaque.
La Tourbière
L'Écrevisse
Les ruisseaux du Pays d'Orthe recèlent une vie grouillante que les pollutions domestiques et agricoles mettent parfois à mal. Si la grenouille verte s'est faite trop discrète, d'autres espèces tentent de s'adapter aux vicissitudes de notre civilisation.
Introduite dans nos régions aux alentours des années 1920, l'écrevisse à pattes rouges et carapace foncée a précipité la disparition de l'écrevisse blanche autochtone. Malgré de sévères réglementations de leur pêche, les écrevisses quelles que soient leurs origines, sont très prisées des gourmets, y compris par les oiseaux, les poissons carnassiers, les anguilles et même les carpes. Leur survie est donc précaire en ce qui concerne les souches locales. Par contre, d'autres souches d'implantation plus récente, comme l'écrevisse de Louisiane (procambarus clarkii) qui entraîne de profonds déséquilibres, s'attaquant à la végétation et au frai des poissons, est particulièrement prolifique. Le fait qu'elle soit porteur sain de la peste de l'écrevisse risque à terme de détruire irrémédiablement les autres espèces.
e souvenir de cette originale et charmante cavalerie que les voyageurs de la ligne Dax-Bayonne remarquent, presque en toute saison, dans les vastes prairies du bord de l’Adour, aux environs de Saubusse, évoque un poétique tableau. Ces prés - des “communaux” pour la plupart - sont appelés des “barthes” dans la région. Le mot original serait ibère, ce qui se conçoit en ce Sud-Ouest de la France, qui est la très ancienne Aquitaine ibérique. Il signifierait taillis : taillis de saules et d’aulnes, arbres des lieux humides, sans oublier la végétation complémentaire mêlée à l’osier, joncs, prêles et salicaires, iris de marais dont la gracieuse fleur d’or, ou fleur d'iris jaune, a donné en Île de France la fleur de lys du blason de la province et des ducs, devenus ensuite rois de France.
Avec le temps et la culture dirigée de l’homme, la barthe débroussaillée, est maintenant une prairie rase, dite même barthe à foin. Seuls la quadrillent des fossés d’assèchement dont les talus sont plantés de saules têtards. Lors des inondations, fréquentes en ces pluvieux pays, inondations que la grande marée atlantique accroît en remontant le fleuve aux équinoxes du printemps et de l’automne, on ne voit plus émerger de l’étendue plane des eaux que ces arbres en trochée des talus, avec l’échevellement de leurs baguettes. Dès que l’inondation baisse et que les îlots de gazon affleurent, le voyageur les peut vois animées de troupeaux d’oies et de canards domestiques ainsi que d’étranges petits chevaux à l’air sauvage.
Ces prés immenses, les flaques reflétant le ciel, la solitude, que cernent seuls des bosquets de carolins et de chênes, un peu au-delà les premières terrasses du pays d’Orthez [sic - Lire “Orthe”] ou de Chalosse, ces chevaux, ou plutôt ces poneys antiques au poil ébouriffé, pacageant de conserve avec la volaille paysanne, tout cet ensemble compose un site tranquille et simple, inhabituel, évoquant les primitives époques qui furent, dit-on, l’âge d’or. On le croit sans peine à voir tout ce que nous avons fait subir depuis un siècle de civilisation (?) industrielle et mercantile. Pour achever l’impression, si le temps n’est point nuageux, une frise émerveillable, par-delà les bois et les coteaux, dans les lointains du Sud-Ouest, une frise aux tons d’églantine ou de rose de Noël festonne l’horizon : les Pyrénées - ces “montagnes-fées”, a dit fort justement Michelet - qui nous offrent à leurs sommets “un miracle, une transfiguration constante dans un certain léger bleuâtre, dans l’inexprimable rosé qui passe entre l’aube et l’aurore”, mais se prolonge presque tout le jour en hiver lorsque la haute chaîne est poudrée à frimas.
Dans les beaux mois du printemps et de l’été, les prairies des barthes désencombrées es eaux, sont parcourues des oies, que conduisent, avec une superbe inepte,
leurs jars, et les troupes de ces poneys landais dont le crayon de M. Léon Fauret exprime ici le caractère et le charme avec l’exactitude élégante d’un parfait
animalier.
L’impression d’antiquité s’accuse lorsqu’on sait que que ces petits chevaux d’aspect hirsute et primitif sont sans doute en nos très vieux pays pyrénéens la
survivance du cheval quaternaire. M. P. Tillac nous l’assure dans une étude de la revue basque Gurre Herria (Notre pays) sur les petits
chevaux ou pottokak ( petiots ), du pays basque, frères montagnards de ceux des Landes. Il nous donne en référence des dessins de l’homme préhistorique gravés dans la
grotte des Eyzies et quelques autres. La ressemblance est saisissante.
Le crâne de cheval trouvé dans la grotte quaternaire de Brassempouy, entre Orthez et Saint Sever, ne diffère pas du crâne des poneys landais, dits aussi “race barthaise” : front bombé, chanfrein busqué à la manière du bélier. Ajoutons-y un œil vif au regard méfiant et mal commode qu’ombrent les touffes d’une crinière en broussaille. La taille est petite ( 1,10 à 1,30 m ), la robe foncée et rude, le ventre ballonné, la queue longue, le jarret robuste, nerveux et fin. C’est le même poney qu’on trouve au Pays basque, en Navarre, en Galice, en Lybie, en Bretagne, en Irlande, dans les steppes caspiennes, en Mandchourie et en Corée. Ce serait le petit cheval initial dont toutes les races du globe sont issues.
[…] Il demeure un sauvage, un rustique qui naît et vit à l’air libre, quelle que soit la saison. Cela ne le gêne point de patauger jusqu’au boulet dans les flaques prairiales de l’automne ou de l’hiver, bien qu’il ne soit nullement pédauque ( c’est-à-dire palmipède) comme l’oie, sa commère. la vie rude double son énergie native.
On a vu l’homme faire appel à lui avec succès pour désembourber des canons lourds après échec des percherons ! Il est rare qu’il demande quelque chose à son maître.
Il n’accepte de foin que celui qu’on veut bien lui apporter en barque de la métairie où il est inscrit sur les rôles animaux, lors des amples inondations qui l’ont isolé sur une bosse de la prairie.
Cela ne veut pas dire qu’il soit misanthrope. Il sait fort bien deviner, avec son instinct aigu d’animal, la crue qui sera catastrophique aux époques équinoxiales et contre laquelle il n’y a vraiment rien à faire que s’en aller.
Alors il la devance et regagne la métairie où il a séjourné naguère, ne fût-ce que quelques jours. Ont les voit par groupes cheminer dès lors à la file indienne à travers les flaques qui fluent et s’élargissent sur la barthe. Ils vont vers leur arche de Noé des jours diluviens.
[…] Cependant l’animal se laisse fort bien dresser par le chasseur d’oiseaux aquatiques : poules d’eau, sarcelles, vanneaux, outardes et canards sauvages, voire héron hurluberlu ! Il laisse l’homme, masqué par lui, approcher le gibier d’eau ; il va, docile, à sa pression. Les oiseaux accoutumés à ce quadrupède, hôte invétéré de ces solitudes, se méfient de telle ruse moins encore que du cheval de bois des Grecs, les malheureux habitants d’Illion !… Le poney s’adapte si bien aux besoins de l’homme qu’il fait le service du transporteur de charbon dans les galeries de mine où celui du maraîcher porteur de légumes à la ville […]
Services divers qui furent négligés à cause des autos et des autobus. Mais le primitif, l’élémentaire a recouvré son empire en ces tout derniers temps. Le poney
landais est en train d’en bénéficier, et à quelle allure ! De deux cent cinquante qu’ils étaient dans les barthes de Saubusse vers 1930, leur troupeau pacageur était
tombé à cent vers 1936. […] Aujourd’hui, de toute manière, la revanche est venue ; ce petit animal primitif et vivace devient sans prix, ce qui en tous pas signifie for cher.
Pour le poète, c’est aussi une revanche de penser revoir toujours sur le gazon des barthes émaillé de flaques d’eau et dominé au loin par la montagne bleuâtre ou
rosée ces petits chevaux demeurés antiques et libres, dont nos ancêtres des cavernes ou des lagunes firent leur première, sinon leur plus belle conquête.
Extraits du texte de François Duhourcau ( 1883-1951) In "L'Illustration", Février 1942
Romancier et essayiste de Bayonne.
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