La Pêche et les Poissons ( 8 )
Le Saumon : Pêche ou sauvegarde ?
e saumon est un poisson migrateur anadrome* qui, de décembre à avril surtout (mais les
"remontées" se poursuivent jusqu'en juillet ), remonte l'Adour et les Gaves pour aller assurer sa reproduction dans les eaux claires où il est lui même né. Figurant parmi les plus gros poissons
vivant en eau douce et, assurément le plus prisé, il a vu de tous temps, l'homme multiplier les pièges pour le capturer, transformant ainsi l'itinéraire en véritable "parcours du
combattant". Imaginons ce voyage dans les années 1950…
* Anadrome : poisson qui vit la presque totalité de sa vie en eau de mer mais se reproduit en eau douce ; au contraire, l'anguille qui vit en eau douce et se reproduit, elle, en eau de mer, est un poisson catadrome.
Après avoir effectué un long périple depuis les îles Féroé, le nord de l'Islande et les eaux du Gröenland au cours duquel il doit échapper aux grands prédateurs, le corps meurtri par les poux de mer qui ne lâcheront leur proie qu'à l'arrivée en eau douce, le voilà à l'embouchure de l'Adour. Guidé par un sens très affûté dont nous avons du mal à percer le mystère, il a su reconnaître les eaux qui l'ont vu naître, loin en amont.
En ce mois de février 1956, où la France boquée grelotte sous un hiver qui restera dans les annales pour ses rigueurs, les pêcheurs de saumons des gaves ont trouvé une façon fort particulière pour se réchauffer : le combat avec les beaux saumons qui ont entamé leur remontée vers les frayères.
Si l'on en croit ces souvenirs, ils n'ont pas eu le temps de bien être affectés par les rudes frimas!
"Les pêcheurs de saumon se sont livrés à Peyrehorade, à leur sport favori malgré les rigueurs de la température. M. Cazaux a pris une bête de 7,500 kg; M. Novion, de son côté, sortait de l'eau un poisson de 6,100 kg, puis récidivait l'après-midi avec des prises de 6,700, 6,300, 8 et 9,600 kg."
Sur la photo, Joseph CAZAUX (à gauche), de Sorde et Louis NOVION (à droite) de Peyrehorade, largement aidés
d'Alain NOVION (au centre), présentent la pêche de ce jour mémorable.
Ph. collection Jean Christophe CAZAUX
Au milieu du XXe siècle, une revue halieutique qui défend…
les pêcheurs, continue d'organiser
et surtout de primer les plus
belles prises de l'année.
On voit ici M. Ducassé
de Peyrehorade, décrocher
la seconde place de la catégorie "Saumons" avec un poisson
de 11 kg.
Si cette pratique continue à être pratiquée de nos jours, c'est en sachant que la pratique
du no-kill est désormais la règle.
Mais la catégorie "saumon"
a disparu…
Ci-dessus, article paru dans le numéro 687 de l'hebdomadaire
"Noir et Blanc" de mai 1958 et, ci-dessous, même s'il s'agit d'une marque "À la Française", le béret du braconnier est orné d'un pompon qui doit bien nous indiquer que, contrairement à ce qu'en disent les mauvaises langues, le braconnage n'est pas l'apanage des Sordians…
Dans un bref jaillissement d'écume, la foëne de Milo troua la surface et vint s'enfoncer, trente centimètres plus bas, dans une longue forme noire qui reniflait, depuis quelques instants, une vieille assiette posée sur le fond.
Cela s'était passé au clair de lune, presque sans bruit. Le saumon, piqué au gras du dos, essayait maintenant d'échapper au fer en jetant à droite et à gauche des coups de reins désespérés qui battaient l'eau comme la roue d'un moulin fou.
- Sacré nom ! hurle petit Serge ; On le tient !
- Tais-toi ! répondit laconiquement le père. Passe plutôt le sac… Et vite !"
Trois catégories de pêcheurs s'intéressent au saumon : les amateurs, sortes de pêcheurs sportifs , les professionnels et les braconniers. Alors que les premiers y consacrent leurs loisirs de riches privilégiés ( l'équipement complet arrive à dépasser cent mille francs ), les autres en vivent de père en fils. Exactement depuis que Louis XIV, ayant déclaré le saumon "poisson royal", en donna aux Basques le privilège de la pêche dans les gaves pyrénéens.
Aujourd'hui, pour se dire "pêcheur de saumon" et avoir le droit de barrer l'Adour du côté de Peyrehorade [sic], il faut être enregistré, aussi bizarre que cela soit, à l'Inscription Maritime.
Curieuses mœurs…
Un être étrange, en vérité, que le saumon ! Tout comme l'anguille, il quitte le milieu qui l'a vu grandir pour retourner se reproduire dans celui qui l'a vu
naître.
la procession commence en décembre avec des bêtes de 30 à 40 livres qui remontent les rivières les rivières bretonnes et normandes, la Loire et l'Allier et surtout l'Adour et les gaves pyrénéens.
Viennent ensuite les saumons de printemps, moins gros - de 15 à 20 livres - puis, en juillet, les petits "madeleinaux" de 3 à 4 kg, appelés ainsi car ils apparaissent
vers la Sainte Madeleine ( qui se fête le 22 juillet ).
Le passage du premier donne le signal d'une ruée que beaucoup déplorent parce qu'elle fait parfois figure d'extermination.
Les poissons qui ont échappé aux filets des inscrits maritimes subissent ensuite la tentation des devons et des cuillères des pêcheurs au
lancer.
Le Musée du Braconnage
Beaucoup passent au travers de ces multiples pièges. Mais restent les braconniers qui connaissent toutes les astuces de la rivière et savent où, quand et comment épingler leur animal. Ce sont eux qui ont inventé le truc de l'assiette au clair de lune : le poisson qui la voit briller au fond de l'eau, la prend pour un de ces endroits nets où il a l'habitude de déposer ses œufs. Il s'y fait proprement cueillir comme une alouette au miroir !
Les braconniers du clair de lune emploient d'autres procédés. Massey, le minotier de Navarrenx, possède une fameuse collection d'outils perdus par les rôdeurs nocturnes, qu'il a récupérés au fond de sa rivière : des rateaux à longues dents, des fourches bizarres, des foënes, des grappins que l'on jette de nuit aux endroits précis où doit passer le poisson. […]
De l'Or en Barre !
Parce que le saumon est payé [1] à la première main, dans les trois mille francs le kilo [ainsi, deux saumons de 8 kg représentent presque un mois de salaire moyen de cette époque !], tout le monde s'y met. Avec une soixantaine de pièces, l'année est assurée en quatre mois !
- Un pays de cocagne ! m'a dit un "jeune" de la profession installé dans les environs de Navarrenx. Moi, je fais mon million sur le saumon et ça me suffit. Le reste de temps, je bricole ! […]
(1) La réglementation autorise encore, à cette époque, les pêcheurs amateurs à vendre le produit de leur pêche.
Sur cette gravure de "La Chasse Illustrée" de 1849, il nous faut admirer
l'ingéniosité et… l'optimisme de ces pêcheurs pour piéger les saumons !
"Vous comprenez, continua un commerçant du coin, il y a ici deux choses. En dehors du pétrole [ Lacq ? ] et de l'élevage,, le saumon et les oiseaux de passage sont exploités à l'échelle quasi industrielle. Quand la saison du poisson est finie, la palombe arrive, puis la bécasse. On range le nylon - ou le croc - juste à temps pour prendre le fusil. Fournir les tables délicates, ce n'est pas un métier pour n'importe qui !…"
[…] Mais le saumon autrefois dédaigné, est devenu le poisson roi. […]
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