Aygades ( Inondations )
e mot "Aygade" fait partie intégrante du vocabulaire utilisé sur les bords de l'Adour et des Gaves, tant est fréquent ici le cycle des caprices de l'eau. Pas d'année pratiquement où les cours d'eau ne sortent de leur lit, au moins une fois ( mais parfois plusieurs ), et envahissent la plaine alentour et viennent parfois faire une incursion dans la cuisine ou l'étable. Certes, "on peut maîtriser le feu, mais on ne maîtrise pas l'eau", dit-on ici avec une certaine dose de fatalisme tranquille. Tout le monde sait que le phénomène a de toujours existé. Et chacun connaît la marche à suivre pour sauver bêtes et biens. Mais il ne fait de doute pour personne que, passée la corvée de nettoyage qui suit la décrue, la rivière, de son côté, paye sa dîme. Elle a abandonné en se retirant, quantité de dépôts de limons. Ce sont ces dépôts qui vont assurer la prospérité des cultures à venir et donner cette luxuriance des paysages.
Plus de crues en hiver
L'Adour, les Gaves et l'ensemble de leurs affluents sont sous régime pluvial. En 1926, Marcelle Richart faisait part des relevés des débits dans la période de 1896 à 1926 : entre 129 m3 en février et 25 m3 en août ( soit une moyenne de 83 m3 ). On constate une fréquence accélérée de crues en hiver quand les pluies ont saturé le sous-sol ; le maximum étant atteint d'abord en amont, sur l'ensemble des ruisseaux et rivières affluents de l'Adour.
Cette situation peut être encore aggravée par l'apport brutal de la fonte des neiges au début du printemps, lors d'une période de fort redoux des températures. Et si
enfin, se rajoutent pour courronner le tout, des situations particulières comme un fort vent d'Ouest et de forts coefficients de marées, provoquant ce que l'on nomme ici "lou rebouc
de ma", nous arrivons parfois à des situations très critiques.
Un risque d'inondation est aussi représenté par les fortes précipitations orageuses de la fin de l'été, provoquées par des entrées d'air humide en provenance de la mer. Si ces précipitations
n'atteignent cependant pas de très fortes cotes, elles peuvent occasionner d'énormes ravages aux cultures.
Le remplissage du lit majeur s'effectue par de nombreuses "trompes" ou canaux, servant ordinairement au drainage de la plaine. Ils absorbent quelques millions de mètres cube qui épargnent les basses terres bientôt saturées. Leur établissement a été systématique dans les barthes de l'Adour, mais beaucoup moins organisé le long des Gaves. Il se fait sur la période récente par le biais des drainages et remembrements.
Fléau & Bienfait à la fois
Si la crue de la rivière fait partie du quotidien, elle n'en reste pas moins un fléau pour les riverains parce qu'elle détruit les récoltes sur pied et que souvent, une partie des berges et de sa végétation est emportée. Par exemple, des dégâts nombreux et importants ont été subis sur Sorde l'Abbaye en 1982, puis en 1992.
Enfin, elle handicape aussi l'activité et les communications en général en isolant une partie de l'habitat de la plaine et de la barthe, parfois pendant de longs jours.
Mais la crue reste avant tout un bienfait car elle apporte un amendement des sols irremplaçable.
Il est facile de constater sur l'exemple des gaves réunis présenté ci-dessus, que la rivière façonne la structure du sol de la façon suivante :
- une couche arable de 50 cm,
- une couche de galets et grave sur au moins 70 cm
- une couche épaisse d'argile jaune ou de limon pouvant descendre jusqu'à deux mètres ;
- dans la zone marécageuse, une couche d'argile bleue jusqu'à au moins 4 m, au niveau où l'on commence à trouver la nappe phréatique.
Cela donne une texture variable dite "sablo-argilo-limoneuse" composée de :
- 6 à 11% de sables grossiers ;
- 10 à 42% de limon grossier ;
- 17 à 41% de limon fin ;
- 10 à 19% d'argile.
Tableaux de crues
Posés comme des témoignages gravés dans la pierre afin que ne s'oublie pas la puissance du fleuve, les tableaux de crues avertissaient aussi les riverains et les passants des dangers encourus.
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Ci-contre, le tableau des crues
de Dussaout à Peyrehorade.
Ci-après, les cotes relevées en 2010, donnent pour ces crues les chiffres suivants :
1879: 5.86m - 1889: 5.71m - juin 1856: 5.66m
1952: 5.63m - 1930: 5.41m - mai 1856: 5.39m
1875: 5.23m - 1855: 5.09m
et la trace de février 2009: 4.94m
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C'est la crue du 11 mars 1855 qui inaugure l'apparition de nombre de ces tableaux, connus tout au long des Gaves et de l'Adour, jusqu'à Bayonne.
Seront surtout gravées sur les murs d'enclos ou les maisons riveraines de l'eau, les crues des 11 mai et 17 juin 1856. Il s'agit le plus souvent d'une pierre au milieu d'un mur avec une ou deux dates, auxquelles s'ajouteront plus tard, les marques des niveaux atteints le 24 juin 1875, puis le 18 février 1879 et enfin, le 4 février 1952.
Le tableau des crues du pont de Peyrehorade disparaît avec les ouvrages successifs, mais il en reste encore trois anciens sur Peyrehorade, dont un au Quai du Roc. Un tableau figure aussi à Cauneille, un autre sous le pont de Saint Cricq du Gave ( en partie illisible ), deux à Hastingues à "La Sablère" et à "Lamouche", un à Rasport sur la commune de St Étienne d'Orthe (qui porte, certainement par erreur, la date du 19 janvier 1879) et un au port de Port de Lanne. Un tableau est aussi présent sur la commune voisine de Sames, en bordure des Gaves Réunis.
En face du Bec du Gave, la maison "Mastoy" comporte un tableau particulier où figurent des indications séparées pour les Gaves et l'Adour, pour les crues du 17 juin 1856 et de février 1952.
Enfin, à "Horgave", sur la commune de Ste Marie de Gosse, on trouve un tableau avec le niveau de la crue de l'Adour du 17 juin 1856.
Il est à noter que dès 1832, des tableaux étaient déjà établis à l'ancien pont de Port de Lanne et au port de Peyrehorade. Ce
dernier permettait d'assurer la sécurité des passages d'eaux, les bacs.
Quelques Tableaux de Crues des Gaves & de l'Adour
1 - Maison Cardenau, à Peyrehorade. 2 - Minoterie Larran, à Cauneille
3 - Maison Lamouche, au port de Hastingues
4 - Maison Horgave, à Sainte Marie de
Gosse
5 - Maison Mastoy, à Sames . 6 - À Port de Lanne, au port
Le Mécanisme des Inondations
La crue due aux intempéries d'amont est accentuée dans la basse vallée de l'Adour et des Gaves par le va et vient des marées, même au plus fort de la crue, lorsqu'on la dit "étale". Car, si elle n'entraîne pas des mètres de hauteur d'eau supplémentaires, les quelques centimètres qu'elle génère ajoutent aux désagréments du phénomène.
Il faut avoir vu les anciens, désœuvrés par l'évènement, supputer les chances de retour à la normale, penchés tour à tour sur le galet témoin de cette course et le tableau des marées sur le calendrier des Postes :
"Bam bède l'aygue, le mareye qu'abache."
La lutte contre les Débordements
Les crues de l'hiver 1980/81 et celle du 6 octobre 1992 furent mémorables pour Sordes l'Abbaye. La première fut l'occasion pour le Gave d'Oloron d'abandonner son lit principal et de se précipiter dans un autre de ses bras, emportant au passage des terres agricoles.
La seconde arracha quelques hectares supplémentaires de terres arables, ne laissant plus que le gravier. La polémique fut rude : les déboisements agricoles, l'extraction de granulats et le passage de la nouvelle autoroute A 64, furent les principaux accusés.
On rendit donc la terre - ou ce qu'il en restait - aux "saligues" et on interdit l'extraction de granulats dans le Gave. Pour l'autoroute, il était trop tard pour prendre des mesures…
À Peyrehorade, les années 1980 subirent les ravages occasionnés par le ruisseau de Bélus dans la section dite "du Fourré".
Avant l'occupation de la zone basse de Pardies en zone industrielle, il existait déjà un système très ancien de lutte contre les crues avec vannes, servant quand le
Moulin Vieux marchait encore, et dont il fallait protéger le mécanisme. Avec l'arrêt du moulin, le système cessa rapidement d'être utilisé régulièrement et donc, entretenu. La
"Sablière" creusée à l'origine, au XIXe siècle, pour fournir le ballast lors de la construction du chemin de fer se vit encore obligée de céder force
graviers pour la construction de la bretelle autoroutière. Elle passa ainsi au statut de "Lac" avec pour mission de jouer le rôle d'écrêteur de crues. Il semble cependant que
cela ne puisse être qu'une réponse partielle au problème.
Deux gravures de la crue de l'Adour à Tarbes en 1875.
( In "Le Monde Illustré" )
Ci-dessus, une tranchée est creusée sur la Place Marcandieu
pour préserver la ville da la montée des eaux.
Ci-dessous, le pont sur l'Adour s'écroule, le 23 juin à midi et demi.
Les Grandes Crues de l'Adour et des Gaves
En 1925, vues de la "Montée de Testevin", aujourd'hui Rue du Sablot.
On imagine la hauteur d'eau sur l'ensemble de la place du Sablot !
Trois ans plus tard, le Gave sort nettement de son lit encore.
Ci-dessus, au marché aux bœufs, au Sablot
et ci-dessous sur le Quai du Roc, en 1928
En 1952, Bis repetita. À nouveau la Rue du Sablot, mais personnages renouvelés. De l'eau passe toujours largement sous les ponts…
29 octobre 1937 - Ici, à deux pas du Gave, "l'aygade" n'est que l'un des aspects naturels qui ponctuent le cours du temps. Même le chien, en
figure de poupe,
tourne le dos au plein du flot, fataliste mais pas inquiet.
On notera le "burgué" dont la base a été surélevée pour justement
prévenir les effets de l'eau et garder la paille au sec.
Février 1952
C'est tout autant par sa durée peu habituelle, que par les niveaux atteints que cette crue de 1952 va marquer la mémoire de toute une génération. En effet , pendant trois longues journées et trois longues nuits, l'eau va noyer toute la plaine des gaves, avec des niveaux fluctuants, comme toujours, au gré des marées. Obligeant les habitants des nombreuses fermes isolées au milieu des flots, à ne pas se contenter de "laisser passer la chose" et à prendre parfois des risques.
4 février 1952 à Rasport - St Étienne d'Orthe
Diaporama de photos de Rasport. Coll. Hélène BAHUS LESCOURRET
Février 2009
… Ce même Quai du Roc, en février 2009 sous les eaux,
alors que la décrue est déjà amorcée. Photo P.Ostarena
"Près de la maison, les Gaves Reunis inondent les berges de Peyrehorade, très proprement, avec ce sens inné de la nature pour la photogénie." Peyrehorade, Fevrier 2009. © Ivan Terestchenko
Ci-dessus, vue du côté Ouest, la minoterie des Grands Moulins de Paris.
Ci-dessous, les kiwis sont gourmands en eau ? Ils sont servis !
Peyrehorade, Fevrier 2009. © Ivan Terestchenko
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