La Pêche & les Pêcheurs ( 5 )
partir de 1929, l’usine Barthouil, installée à Peyrehorade, quasiment sur les lieux de production mêmes, va traiter le poisson frais : saumon
et alose ( mais aussi, l'anguille ). Puis, au cours de l'année 1939 apparaît le “fumage” du saumon des Gaves. Cette technique va s’affiner et Barthouil est, en
ce début de XXIe siècle, l’une des dernières usines en Europe à fumer le saumon dans des fumoirs au bois d’aulne de type traditionnel nordique, grâce aux techniques
rapportées du Danemark par Kiki en 1958-1959.
Depuis la moitié du XVIIIe siècle au moins, les descendants de Jean Barthouil et Jeanne Jambillard sont installés à Peyrehorade et
une longue lignée de bouchers en est issue qui aboutit à Jean Baptiste dit Joseph qui voit le jour le 5 août 1864. Il est l’aîné des quatre enfants de
Bernard Barthouil et Marie Maisonnave. Il va épouser en 1881 Marie Lasserre de Port de Lanne. De cette union naîtront au moins quatre enfants,
dont Gaston en 1897.
C’est donc Joseph qui va réorienter son activité vers la charcuterie fine qui atteint rapidement à une renommée locale indiscutable. En ce début de XXe siècle il
va y adjoindre avec bonheur les fleurons du foie gras et des confits.
Surtout, quand Robert de Lalagade, une figure du commerce du caviar d'Iran l’encourage à exploiter le
saumon qui abonde dans les Gaves, il n’imagine pas que ce noble poisson va bientôt faire passer l’entreprise familiale que va reprendre Gaston, son successeur en 1929, dans une
autre dimension.
Mais le précurseur s'est éteint en 1926.
Au début du XXe siècle, la Boucherie Barthouil entre le café Dabadie
et le Bazar Bayonnais, sur la Place de la Liberté, en 1904 (ci-dessus)
Et, de l'autre côté de la place un peu plus à l'Est (ci-dessous)
Ci-dessus et ci-contre, deux publicités parues, la première dans une publication locale en 1947 et la seconde, dans une revue nationale en
1947.
L’usine continue son activité aujourd’hui, bien après que les remontées massives des saumons dans les Gaves n’ont plus lieu que dans les souvenirs. Elle traite chaque année plusieurs milliers de saumons soigneusement choisis en Norvège et en Écosse principalement. Cette production est commercialisée dans toute l’Europe.
Une maison au bord de l’eau
Entre les deux guerres, la famille Barthouil va être l’une des premières à construire une habitation dans la plaine sur la rive gauche du Gave, juste à côté des cabanes des pêcheurs de saumons. Cette proximité va contribuer aussi à renforcer la présence du saumon au sein des activités de l’entreprise. Les locaux techniques verront très vite le jour à quelques pas. Presque du producteur au consommateur, pourrait-on dire.
Le geste ancestral
Gaston qui a pris la succession de son père, va développer ce volet de l’activité et envoyer “Kiki” Labarthe se former aux arcanes du fumage du saumon au Danemark. Nous sommes au sortir de la Seconde Guerre mondiale et Kiki, fort d’une expérience bien maîtrisée, va rapidement se former aux techniques ancestrales et saisir toutes les finesses qui font la renommée de la production danoise.
À son retour, avec les plans des fumoirs danois qu’il rapporte, il va mettre la main à la construction des systèmes de fumage et initier le personnel aux gestes essentiels rapportés du périple danois. Ces gestes qui président toujours, plus d’un demi-siècle plus tard, au savoir-faire de la maison Barthouil.
La ressource saumon
Mais l’entreprise aura eu à s’adapter aux aléas de la ressource saumon.
Au début du XXe siècle, le saumon est encore naturellement présent en grande quantité dans l’Adour et les Gaves Réunis. Mais cette ressource qui apparaît inépuisable,
est l’objet de tous les pillages. Les chiffres montrent une régression rapide et constante ( voir détail en page 8 de la Pêche ) pour parvenir à une quasi disparition dans les années
1980.
1- Après avoir été eviscérés, les saumons sont amputés
de leur tête.
2- la peau est ensuite scarifiée afin que les arômes et les rondeurs de la fumée du vergne imprègnent lentement les chairs.
3- Le saumon est découpé en long en deux moitiés.
3- Cette séparation permet de dégager et d'ôter l'arète centrale et une part importante des arètes au long
des flancs
Disparu le saumon sauvage de l’Adour, il est progressivement remplacé pour fournir les chambres de fumage, par des saumons sauvages de Norvège, de la Baltique et d’Écosse. Puis dans un second temps, par des saumons d’élevage.
4- Les chairs sont ensuite frottées de gros sel. Les cristaux de chlorure de sodium, en absorbant l'humidité, vont agir comme conservateur par la limitation
du risque lié aux moisissures
et d'exhausteurs de goût.
Les perles de gros sel vont entailler les chairs et permettre
un salage en profondeur.
On utilise le sel de Bayonne très pur provenant du dépôt marin (il y a deux cents millions d'années, la mer recouvrait le bassin aquitain) et exploité depuis 3500 ans dans les gisements des pays de l'Adour.
La recherche de la qualité optimale
Chaque année, plus d’une centaine de tonnes de saumons passent par les mains expertes des spécialistes des Établissements Barthouil. Trente tonnes environ
proviennent de saumons sauvages et le reste est issu d’une stricte sélection de saumons élevés dans le Nord de la Norvège où les eaux froides et une alimentation soignée sont
garants de qualité.
“L’élevage est propre, la qualité sanitaire est parfaite. Quand le poisson est issu d’une bonne souche, qu’il a de l’espace dans les cages pour nager et qu’il est nourri avec un
aliment protéinique, le résultat est des meilleurs.”
Mais le saumon sauvage, avec un goût plus net, plus présent et une longueur en bouche que l’élevage ne peut pas reproduire, reste le summum de la qualité.
Un fumage unique
La réputation du saumon fumé de la maison peyrehoradaise ne se fait pas seulement sur ces critères.
Pour avoir résisté à la tentation de l’industrialisation, Jacques Barthouil qui a repris les rênes de l’entreprise familiale, naturellement intégrée en 1971, a conforté au contraire la tradition artisanale, privilégiant une très grande qualité qui suscite aujourd’hui les commentaires les plus élogieux de toutes parts.
Cette qualité s’acquiert dans le traitement respectueux et particulier du roi des poissons. La marque de fabrique infalsifiable de la maison de Peyrehorade est inscrite dans les
fumoirs anciens de brique et de tôle qui vont accueillir les poissons apprêtés pendant une vingtaine d’heures et à basse température. Cela va leur permettre de perdre le gras et
l’humidité. Quand on sait que le temps de fumage du saumon “industriel” se résume à deux heures intensives, on mesure mieux l’attachement que l’on marque ici à parfaire un produit de très haute
qualité.
L’utilisation de la sciure du vergne (voir détail plus bas) pour produire cette fumée lente, douce et très pauvre en goudrons va prolonger et bonifier le goût.
Viendront ensuite les opérations délicates de tranchage en lames fines qui permettent de mettre en valeur les arômes avant
de procéder à l’emballage et de mettre la dernière touche à une présentation impeccable du produit fini.
Photos reportage de la préparation du saumon
©Claude Laplace - 2009
La Sciure de Vergne pour le fumage du Saumon
L'aulne glutineux ( alnus glutinosa ) que nous connaissons dans notre région sous le nom de "vergne", est comme le noisetier ou le bouleau, un arbre appartenant à la famille des bétulacées. L'origine du nom serait un dérivé du celte signifiant "près de l'eau", "près des rives". En effet, le vergne, comme la plupart des variétés de l'aulne, se développe au bord des rivières et dans les barthes comme dans tous les sous-bois humides et ombreux.
Cela en fait un bois résistant particulièrement à l'humidité et, dès l'époque préhistorique, il est utilisé pour fabriquer des
pilotis, des roues de moulins et des embarcations. Cette utilisation subsiste de nos jours comme en témoignent les structures sur lesquelles repose la ville de Venise. Et dans notre
région, le vergne sert à la confection des échasses qui permettent aux bergers de se déplacer dans les zones marécageuses.
Il permet aussi de fabriquer des sabots très légers mais qui ont l'inconvénient de s'user rapidement car le bois ne conserve vraiment sa solidité
que s'il est immergé.
L'une des particularités de cette espèce est appréciée dans sa capacité de capter l'azote de l'air et, à partir de là, de produire à proximité des racines, des nitrates
comme la luzerne.
Enfin, la faible capacité à tenir le feu de ce bois blanc est largement compensée par le fait que son important système racinaire permet de fixer les bordures et
les berges.
DE LA BAGUETTE MAGIQUE AU FUMAGE DES SAUMONS
On pourrait aussi citer une foule d'utilisation de ce bois dont les vertus sont aussi variées que bien difficiles à vérifier. Ainsi, on prête à la feuille de l'aulne encore couverte de rosée, la capacité d'attirer les puces et autres parasites qui peuvent ainsi être évacués.
Comme il est facile d'extraire le bois jeune des pousses en conservant intacte l'écorce, le vergne, comme le coudrier permet de fabriquer des sifflets à bon compte et parfaitement écologiques.
Dans des domaines plus ésotériques, il est de notoriété de magicien qu'il n'est de bonne baguette magique qu'en aulne permettant d'écarter les mauvais esprits et, si vous vous installez sous un vergne au solstice, cela vous aidera grandement à voir des êtres de "l'autre monde" de l'imaginaire.
Mais c'est surtout la capacité de la lente combustion de ce bois de produire une fumée abondante qui, si elle est, dit-on, propice au spiritisme, permet plus prosaïquement dans le cas qui nous occupe un fumage très particulier de la chair des saumons.
On peut retrouver les activités et les productions de la Conserverie Barthouil
sur son site internet.
Le Caviar Orthois
Il est étonnant de constater comme la mémoire collective peut parfois effacer en moins d’un demi-siècle une part importante de son histoire. Combien d’Orthois se souviennent encore et surtout, combien de visiteurs savent que les bassins de la Garonne, de l’Adour et des Gaves ont toujours vu s’ébattre en leurs eaux le “créac”, l’esturgeon ? Il y fut même particulièrement abondant et était fort recherché pour la ressemblance de sa chair avec la viande. Il était exporté surtout en Angleterre.
En 1950, c’est à la pêcherie de Peyrehorade que l’esturgeon le plus gros a été pêché : 250 kg ! Kiki l’avait acheté pour M. Barthouil, la chair à un franc le kg et les œufs… 50 francs le kg !
En 1950 encore, M. Barthouil fait une association avec M. de Lalagade, “le roi du caviar d’Iran” car il en a le monopole en France, comme Petrossian a celui en provenance de Russie. Le caviar arrivait d’Iran via Paris, sous étiquette “caviar Volga”, alors qu’il venait d’Iran. À l’usine de Peyrehorade, on en revendait environ 100 kg par an.
Margot, l’ânesse de la maison Barthouil assurait le transport des esturgeons pris au Bec du gave. Kiki ouvrait le poisson sur place, retirait les œufs, les plaçait dans un seau rempli de glace et de sel pour le raffermir. À l’usine, l’esturgeon était traité comme le saumon, la chair lavée, séchée et fumée à la sciure d’aulne. Débitée en tranches, on la consommait avec citron, beurre ou même sauce tomate. Les œufs, savamment préparés, donnaient le caviar.
Accueil - Le Pays d’Orthe - L’eau en Pays d’Orthe - Les Chemins de St Jacques
Toponymie du Pays d’Orthe - Le Centre Culturel - Les Activités
ORTHENSES - Savoirs-faire - Bibliographie - Moments forts
Figures du Pays d'Orthe - Artistes du Pays d'Orthe - Images d'antan
BOUTIQUE - Épousailles - Lexique orthense -
Albums d'Images
Agenda - Le BLOG Actualités - Forum - Contact - Les Liens