Jean RAMEAU, poète en Orthe (2 )
ille de Jules Ovens, capitaine au long cours d'origine galloise, résidant à Honfleur (Seine Maritime), et de Enriqueta Hesse native de Santiago du Chili, Julia dite Rose Ovens a 20 ans quand elle rencontre Laurent Labaigt, un poète de 25 ans qui connaît déjà un succès parisien.
En 1884, ils se marient au Havre où vit Jules Ovens, veuf d’Enriqueta. Mais ils s’installent rapidement à Paris, où Jules Laurent dit Marcel naît en décembre de la
même année 1884.
Jean Rameau a choisi d’écrire pour gagner sa vie : il travaille dans la publicité, il s’essaie à la science-fiction "écologique" ( Un empoisonnement au XXIe siècle ),
fait des poèmes pour des revues littéraires. Puis viendra le temps des romans mais aussi de la critique littéraire ; pour sa défense des œuvres françaises, ses détracteurs le surnomment le
"douanier littéraire". Des prix couronnent son œuvre et chaque ouvrage est attendu par de fidèles lecteurs, et surtout lectrices.
Le mal du pays va pourtant rattraper le poète dans sa gloire parisienne et il va avoir un coup de cœur pour une propriété à Cauneille, le Pourtaou : sa dernière œuvre artistique.
Car le poète est aussi un artiste plasticien: peintre, sculpteur, décorateur ( et également photographe).
On retrouvera une documentation plus détaillée sur la famille
de Jean Rameau dans le N° 13 de la revue "Orthenses".
Jean Rameau et la Grande Guerre
Après son service militaire, Marcel s’est fixé à Mont-de-Marsan. Mais il vient au Pourtaou quand ses parents y séjournent ( ils n’ont pas alors complètement abandonné la vie parisienne ).
Lorsque la guerre se déclare, il est enrôlé au 218e régiment d’infanterie à Pau et il va connaître une fin tragique (voir plus bas). Julia va s’emmurer pendant encore vingt ans dans la douleur et
Jean Rameau lui-même verra s’évanouir l’horizon qu’il avait dessiné avec tant de talent.
Dans un mouvement de patriotisme parfois ( souvent ? ) discutable et vraisemblablement sur commande, un large éventail d'écrivains va produire en 1915 des poésies enflammées qui sont éditées par la Librairie Militaire Berger Levrault sous le titre "Les Poètes de la Guerre".
Jean Rameau est du nombre. Il ne sait pas encore que dans un moins d'un an, cette guerre qu'il exalte lui prendra son fils.
Dès le début de la guerre, il a déjà contribué à la réalisation du numéro unique d'une plaquette "Noël de Gascogne - Revue de la terre maternelle" qui sera, comme l'explique son intitulé, "envoyée gratuitement à tous les soldats de chez nous, des 34e et 234e de ligne et 141e Territorial qui sont sur le Front".
Il y produit, aux côtés notamment des écrits d'Isidore Salles, de Félix Arnaudin, de Serge Barranx et de Paul Margueritte, un texte en vers, "Ballade des Shrapnels", tout empreint d'une fougue patriotique certaine.
"Jeunes soldats, héros antiques,
Tous ces temples sont immortels :
Vos ossements sont leurs portiques
Et votre sang peint leurs listels…
Marcel-Jean Rameau-Labaigt, le fils de Jean Rameau est licencié ès Lettres et en Droit. Affecté en qualité de sergent au 218e Régiment d'Infanterie de Pau, il rend ses galons en mai 1916 pour être nommé interprète.
Grièvement blessé à la tête, le 8 Août 1916 au champ de bataille devant Verdun, au Réduit
d’Avocourt, le fils de Jean Rameau meurt des suites de ses blessures le lendemain, à l'ambulance de Froidos.
Il a trente deux ans. Il est cité à l’ordre de l’Armée sous le nom de Jean-Marcel Labaigt-Rameau, soldat du 218e RI, par le Général Nivelle.
À l’annonce de l’inexorable fatalité, une effroyable douleur s’empare du poète :
« La guerre a pris mon fils avec ses mains sanglantes. / Je suis seul. Ma maison n’est qu’un tombeau glacé. / Je sens mon cœur fendu comme celui des plantes. / Où la foudre a
passé. […] »
Sa souffrance est intolérable, la nature ne sait plus l’aider, il n’entend plus le chant d’espoir de l’oiseau et ne voit plus la splendeur des roses…
Il veut comprendre ce qui est arrivé à son fils, et connaître les dernières heures qu’il a vécu. Il dépouille le carnet de route de Jean-Marcel qui lui inspire "Le Cimetière
bombardé". Il cherche à le retrouver et réussit à faire inhumer sa dépouille le 22 mars 1922 à Gaâs, le village natal de son père.
Lors de la messe célébrée en son honneur en l’église de Gaâs, l’abbé Louis Cazenave salue « le camarade glorieux tombé au champ d’honneur. Curé de Gaâs, je salue en lui l’un des nôtres […] et tous ses vingt-deux compagnons de martyre dont les noms sont gravés là-bas… »
Les "Treizains"
L'immense chagrin qui va s'emparer du poète à la perte de ce fils unique, va lui inspirer une série de treize poèmes composés chacun de treize vers, comme une ode à la conjuration du sort mauvais.
On en trouvera deux reproduits ci-après
et l'ensemble a été publié en accompagnement
d'un texte de Françoise Lacausse sur Jean Rameau
dans le numéro Hors série que la revue "Orthenses"
a consacré à cette période,
"1914 - 1918,
Les Orthois dans la Grande Guerre".
Si Jean Rameau va s'activer dans une débauche d'écriture, de peinture mais aussi de constructions hétéroclites pour tenter d'étouffer le chagrin, Julia Mathilde Constance Rose Ovens, son épouse va se murer doucement dans le souvenir.
Le couple a abandonné pratiquement toute vie parisienne et s'est réfugié dans le hâvre du Pourtaou.
C'est là que Rose va s'éteindre en 1935, précédant de sept ans la fin de Jean Rameau lui-même.
À partir de là, le Pourtaou va entamer une lente agonie qui, un demi-siècle après la disparition du poète, n'en finit pas de lancer ses ronces.
Jean Rameau, âgé
Portrait dessiné par
Alexandre Hombrados,
dit ALEXANDRE
photographe à Peyrehorade.
Pays d’Orthe ! Peyrehorade !
" À ces noms-là, mes pensées chantent. C’est à Peyrehorade et dans le pays d’alentour que j’ai reçu mes premières impressions de beauté. Si j’ai pu quelquefois, dire
mon amour aux arbres, aux prairies, aux ruisseaux, aux montagnes, en des termes qui ont paru doux à l’oreille et au cœur de quelques-uns, c’est à Peyrehorade et à ce magnifique
pays d’Orthe que je le dois.
Ô le pays des si grands horizons, des si claires eaux, des si mélancoliques ruines !
Quelle émotion toujours renouvelée, quand venant de Dax, on découvre la grande trouée boisée qui montre à gauche le panorama des Landes et de la Chalosse, puis la grande trouée aride qui montre, à droite, le rang des Pyrénées bleues au-dessus de Guiche et de Peyrehorade. Au-dessus de cette route, à l’Est un peu, se dressent deux coteaux comme deux vagues jumelles. “Ô ! Vivre là ; là où mon âme est née et contempler la pâmoison des montagnes ou coucher du soleil ”.
J’espère mourir en regardant Peyrehorade - en regardant les ruines d’Aspremont sur leur coteau rocheux, les plaques blanches du Gave et de l’Adour qui musent dans la plaine, les hauteurs de Carresse et de Bardos qui montrent, ça et là, sur leurs pentes, un village blanc comme une floraison de marguerites - en regardant les montagnes lointaines par-dessus ces pentes ; le Mont Orhy au cône fier, le Pic d’Anie qui lève si haut sa pyramide menue, comme une tente bleuâtre offerte à de célestes pèlerins, et l’Escarput hérissé de tours, et le Gabizos armé d’aiguilles, et le Balaïtous qui a son glacier sur l’épaule comme un géant qui prend son écu pour combattre, et tant d’autres montagnes qui daignent se laisser voir parfois et font de ce panorama l’un des plus vastes, des plus impressionnants spectacles de nature présentés à l’admiration humaine.
À toutes ces beautés qui vous entourent, ô Peyrehoradais, vous devez la clarté de vos yeux, la gaieté de vos chansons, la douceur de vos sourires. Si votre race a tant d’aristocratie native, si vos paysans ont des profils de médailles et si vos adolescentes ont des grâces conquérantes de reines, c’est parce que votre ciel et votre terre ont en eux toutes ces grâces latentes.
D’ailleurs, les anciens ont prouvé que ce pays méritait leur enthousiasme et leur tendresse. De tous côtés, ils ont laissé des traces magnifiques de leur séjour. Que
de châteaux ou de monastères en ruines !
Aspremont, Sorde, Bellocq, Arthous, Orthez et Labastide-Villefranche où se carrent encore les donjons de Gaston Phœbus ; Guiche et Bidache dont les vieux murs se
content, en faisant chuchoter leurs lierres, les amours d’Henri IV et de la belle Corisande…
À ce beau pays, des Landais exilés pensent bien souvent. Et j’en sais qui se dit, toutes les fois que la lute l’écœure, que la victoire lui paraît indigne de son
geste : “Qu’importe ? Luttons encore ! Un jour peut-être nous savourerons là-bas, sous les arbres amis, devant les montagnes vêtues d’azur, la paix promise à ceux qui ont bien
guerroyé.”
Lettre de Jean Rameau au Félibre Léo Lapeyre.
6 avril 1902
Du Rameau partout ?
Marcel Delboy, l'infatigable photographe et éditeur bordelais qui sillonna toute l'Aquitaine des décennies durant, a laissé
une somme considérable de clichés devenus cartes postales des endroits les plus reculés de notre région. Nulle commune du pays d'Orthe qui lui ait échappé.
Il a croisé Jean Rameau de son vivant, bien sûr. De là à le voir partout, il n'y a qu'un pas.
C'est pourtant ce qui se passe avec cette carte de La Teste [de Buch] en Gironde, où le monument élevé à la gloire de
Jean HAMEAU (°1779 - †1851) célèbre médecin précurseur de Pasteur, et maire de cette commune girondine,
devient celui de… Jean RAMEAU !
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